Les dirigeants qui employaient illégalement ce sans-papiers auraient ensuite essayé d’acheter son silence. Placés en garde à vue à Vitry, ils vont comparaître au tribunal.
Malgré ses cheveux en flammes, brûlés par son chalumeau, son corps qui ne répondait plus et la souffrance insupportable, Zhang était conscient. Et il a très bien entendu les ordres aboyés par le chef de chantier à Vitry. Les consignes étaient claires : il fallait récupérer immédiatement les affaires de Zhang et déplacer son corps de façon à ce que les autorités ne puissent le relier à la société. Les secours n’ont pu intervenir que lorsqu’un témoin a donné l’alerte.
Un laps de temps qui, d’après l’enquête, a aggravé l’état de santé de l’ouvrier. Aujourd’hui, ce Chinois de 39 ans est tétraplégique. Mais cette mise en scène sordide, qui a eu lieu 18 juillet 2016, ne restera pas impunie.
Au terme des investigations menées par la brigade des Délégations et Enquêtes de proximité du commissariat de Vitry, trois gérants de fait et de paille de Metal Essor, une société du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) ainsi qu’un autre ouvrier viennent d’être interpellés. Placés sous contrôle judiciaire après leur garde à vue, ils comparaîtront en juin au tribunal de Créteil pour travail dissimulé d’un sans-papiers, blessures involontaires et omission de porter secours.
Deux de ses patrons tentent de le soudoyer à l’hôpital
Cela faisait neuf mois que Zhang travaillait au noir 10 heures par jour payées 60 € pour Metal Essor. Le jour du drame, il doit découper au chalumeau une poutrelle métallique alors que son collègue l’a hissé à plusieurs mètres de hauteur grâce à un chariot élévateur. Après la chute accidentelle, il se retrouve à l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine). Six mois d’ITT (interruption totale de travail) lui seront prescrits dans un premier temps avant que le diagnostic de paralysie des quatre membres ne soit posé.
C’est là et dans d’autres établissements de santé que lui rendent visite deux de ses patrons. Selon lui, ils lui auraient proposé de l’argent pour qu’il se taise. L’un des gérants avait ainsi remis à l’épouse de Zhang 1 500 €, soit l’équivalent de son dernier salaire, pour son silence. Et comme le couple refusait d’être soudoyé, on les aurait menacés de ne jamais obtenir leur carte de résidence.
Autant d’accusations réfutées en bloc par les deux patrons. Selon eux, Zhang n’était pas un salarié mais squattait l’entreprise dans l’espoir de décrocher un boulot. Tout juste venait-il prendre un café de temps à temps à Metal Essor. Le jour du drame sans doute travaillait-il pour une autre société. Les visites à l’hôpital ? Oui, elles ont bien eu lieu mais c’était par pure gentillesse pour s’enquérir de la santé de Zhang. Quant aux 1 500 €, c’était un « prêt » de solidarité. Des dénégations qui n’ont convaincu ni la police ni le parquet de Créteil.
Depuis, Zhang, qui ne peut plus se déplacer, craindrait pour la vie de son épouse.