Yi Da
« En nouant avec ce pays, cet État, des relations officielles […], la France ne fait que reconnaître le monde tel qu’il est. » Ce fut par ces mots qu’il y a 60 ans, le Général de Gaulle déclara la reconnaissance par la France de la Chine nouvelle, scellant l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Les décennies qui nous séparent de ce geste historique ont vu le monde se transformer. Or, l’esprit qu’incarne ce choix « de la raison et de l’évidence » nous frappe encore et toujours.
Les seules vérités qui vaillent sont des vérités lentes. La Chine et la France, deux grandes nations venues du fond des temps, par-delà les routes sinueuses des événements, ont su montrer au monde ce qu’elles sont, ce à quoi elles tiennent et ce qu’elles peuvent réaliser ensemble de grand. En cette année où la relation sino-française
Une rencontre de deux âmes indépendantes
« La grandeur d’un destin se fait de ce qu’on refuse plus que de ce qu’on obtient. » C’était en pleine guerre froide où dominait la logique des blocs que le Général de Gaulle, avec un courage hors norme, a décidé de ne pas s’incliner. Il a bousculé les habitudes en déclarant sans détour que « la France doit pouvoir entendre directement la Chine et aussi s’en faire écouter ». La résignation ou le repli stratégique n’ont jamais été son fort. Il travaille pour l’intérêt supérieur de la France.
Intérêt supérieur défendu par une diplomatie indépendante qui ne peut être réduite au combat du Bien contre le Mal, mais est fondée sur une perception lucide des réalités. La Chine nouvelle, refusant elle aussi d’être indéfiniment dépendante du bon vouloir et des caprices des autres, cherchait également à se donner un partenaire de plus, un partenaire majeur sur l’échiquier international.
Ainsi se rencontrent deux âmes indépendantes qui restent fidèles à elles-mêmes, au travers les plus vibrantes transformations du monde. Sans jamais se laisser voiler le regard par les turbulences, elles ont toujours su inscrire leurrelation dans une vision stratégique, en nouant le premier partenariat stratégique, puis le premier partenariat global stratégique entre la Chine et un pays occidental. Comme l’a très justement souligné le président chinois, « Chaque temps fort de notre relation a été un choix résolu de l’indépendance. C’est un précieux héritage que nous devons préserver, cultiver et valoriser ».
Une coopération pour le bénéfice mutuel
Il n’y aura pas d’échange de long terme s’il n’y a pas de bénéfice partagé. C’est précisément parce que la coopération sino-française a sans cesse été marquée du sceau du bénéfice mutuel qu’elle a su, tout au long des 60 ans écoulés, afficher une dynamique intarissable. Après avoir créé tant de « premières historiques » dans les domaines comme l’aéronautique, le nucléaire civil... la coopération entre les deux pays reste toujours en avance sur son temps, comme l’illustrent les 18 documents de coopération signés à l’occasion de la visite d’État du président chinois.
Aujourd’hui, la France compte plus de 2 000 entreprises en Chine qui contribuent pleinement à l’économie chinoise dans des domaines émergents tels que la décarbonation, les produits pharmaceutiques et les services financiers, tandis que la Chine, par son ouverture de haut niveau, fait découvrir à ses consommateurs plus de fromages, de jambons et de vins français, et par son savoir-faire reconnu dans les batteries, les véhicules électriques ou les panneaux solaires, apporte plus d’investissements en France, comme en témoignent les partenariats Envision-Suez, XTC-Orano et tant d’autres, toutes les deux espérant aller encore plus loin sur les technologies les plus contemporaines comme le numérique ou l’IA.
Chacun sait combien dans notre monde la concurrence est rude, et combien la tentation du repli sur soi est grande. Le rivage est certes plus sûr, mais Chinois et Français, deux peuples courageux qui sont accoutumés à se battre avec les flots et regorgent d’idées et d’innovations, ne seront jamais du genre à lâcher aisément ce qui a été fait et à se résigner à la logique du suivisme. Chaque pas accompli ensemble signera notre capacité à conserver l’initiative face à un avenir qui est tout sauf certain.
Un engagement conjoint au service du bien commun
Alors que l’urgence climatique, le déficit de développement et la montée des conflits de par le monde ne devraient plus faire douter de la pertinence du concept d’intérêt général de l’humanité, rares sont ceux qui comme la Chine et la France, partageant la même confiance dans la raison, croient dans le bien commun de l’humanité tout entière. Le contexte international requiert plus que jamais une coordination étroite entre elles, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, qui portent jusqu’au plus profond de leur ADN l’amour de la paix et du progrès.
En effet, peu de pays ont comme elles cette capacité à parvenir, dans le cadre d’une visite, à quatre déclarations conjointes portant sur les sujets allant du Moyen-Orient jusqu’à l’IA et la gouvernance des enjeux globaux, en passant par la biodiversité et l’océan. Tout comme ce qu’a fait remarquer le président Emmanuel Macron : « Notre amitié immémoriale n’a de sens que si elle prête main-forte à l’humanité toute entière », le président Xi Jinping n’a-t-il pas souhaité, dans les Hautes-Pyrénées si chères au président Macron, que les deux chefs d’État « travaillent étroitement à un développement sain et stable des relations sino-françaises et sino-européennes pour apporter plus de stabilité et d’énergie positive à ce monde agité », avant de lui donner rendez-vous pour une nouvelle visite en Chine.
Confucius disait : « Avoir le cœur habité par le sens de l’humain rend le monde juste et beau ». Nous sommes deux civilisations, deux peuples qui depuis des siècles construisent et mettent en œuvre, dans tous les domaines, une certaine conception de l’homme. Au moment où l’humanité est à nouveau à la croisée des chemins, il appartient à nous, la mémoire du monde, de décider d’en être l’avenir.
(Yi Da est un spécialiste en relations internationales basé à Beijing.)
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